Voix inspiratrices de changement– La féministe: Irene Garoës
Namibia
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« J’étais une enfant rebelle », dit Irene Garoës en souriant. « Un fauteur de troubles. »
Il est midi dans la grouillante capitale namibienne de Windhoek, et nous sommes assis face à face dans un complexe de bureaux dans la région sud-ouest de la ville.
En regardant Irene, vous la prendriez pour une étudiante – elle est vêtue d’un jean, de baskets, et d’une chemise en flanelle à carreaux. Mais son apparence dément l’importance du travail qu’elle accomplit et qui contribue à éduquer et à autonomiser certaines des populations les plus vulnérables de la Namibie.
Irene est organisatrice communautaire au Women’s Leadership Center où elle organise et facilite des formations sur la santé et les droits des femmes en matière de reproduction.
« Je suis une militante féministe, déclare-t-elle, et je pense que je l’ai toujours été, et j’ai toujours dit : quand quelque chose ne va pas, il faut qu’elle change d’une façon ou d’une autre. »
Sa préoccupation pour la situation des femmes s’est développée dès le jeune âge, quand elle grandissait dans différentes villes namibiennes.
« Tout au long de ma vie, j’ai vu des choses qui n’étaient pas justes de mon point de vue – la façon dont une fille était traitée, et comment les garçons étant mieux traités qu’elles », déclare-t-elle.
Après un passage à l’université de Windhoek, elle a postulé pour devenir officier de police, et elle était stationnée à Kahenge, dans le nord-est de la Namibie, où elle s’occupait régulièrement de cas de violence domestique contre les femmes.
Selon le FNUAP, 33 % des filles et des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans ont été victimes de violence physique en Namibie. [1] La disponibilité limitée et l’accès à des services intégrés de haute qualité constituent un défi sérieux, de plus, 15% des victimes de violence sexuelle ne font jamais recours à des services de soutien.
Irene a constaté que les lois coutumières et les normes sociales décourageaient les femmes maltraitées à s’engager dans le système de justice pénale, et que la violence restait souvent impunie. Parfois, les femmes qui se manifestaient étaient maltraitées davantage par leurs agresseurs. En tant qu’agent de police, Irene avait l’impression que sa capacité de pouvoir changer les choses était limitée : « Je me disais : est-ce que je joue vraiment mon rôle ici ? Je voulais aider les femmes, mais je sentais qu’il n’y avait pas grand-chose que je pouvais faire. »
Au retour à Windhoek, elle obtint son baccalauréat ès arts en communications et commença à faire du bénévolat au Women’s Leadership Center (WLC).
WLC est une organisation féministe fondée en 2004, qui travaille avec les femmes marginalisées en Namibie pour contribuer à créer « une société dans laquelle toutes les femmes s’engagent activement dans l’élaboration de la politique, des pratiques et des valeurs des espaces publics et privés, basées sur la connaissance de leurs pleins droits humains en tant que personnes et en tant que citoyennes ». [2]
Travaillant principalement par l’intermédiaire de facilitateurs communautaires qui vivent dans les villages namibiens, WLC met sur pied des mouvements pour éduquer et autonomiser les femmes. Ils travaillent sur une variété de questions, y compris les droits des peuples autochtones; les pratiques culturelles néfastes (y compris les mutilations génitales féminines); et avec les femmes lesbiennes dans toute la Namibie. Ils font leur travail à travers un ensemble éclectique d’activités : recherche, engagement et communication à travers les arts — photographie, écriture, dessin et peinture.

L’une des premières activités de l’organisation consistait à créer un espace pour les femmes dans l’étendue du pays, à documenter leurs histoires et à les publier dans deux anthologies : I Choose Life (je choisis la vie) et Between Yesterday and Tomorrow (entre hier et demain) , qui étaient ensuite largement partagées dans les écoles, les bibliothèques et parmi les dirigeants locaux.
« Il y a eu beaucoup de violence pendant la lutte pour l’indépendance. Et certaines femmes se demandaient: qu’en est-il des femmes et de leurs droits? Et la réponse était: nous allons d’abord lutter pour le bien commun, nous allons d’abord nous battre pour l’indépendance du pays, et ensuite nous pourrons régler ces problèmes. Mais après l’indépendance, les femmes étaient toujours laissées pour compte. C’est pourquoi nous nous sommes dit : racontons des histoires de femmes.
Depuis lors, WLC a publié Speaking for Ourselves : Voices of Young San Women (Parler en notre nom : voies de jeunes femmes San) , et divers livrets: Violence is Not Our Culture (La violence n’est pas notre culture) , San Women Speaking for Ourselves (femmes San parlons en notre nom) , un livret pour les parents dont les filles sont lesbiennes, un livret de santé pour les femmes lesbiennes namibiennes, et deux livres photos intitulés Our Lives in Our Hands et Creating Ourselves in Our Own Image (Nos vies sont entre nos mains et nous créer à notre propre image). Ils prévoient de publier deux livres supplémentaires d’ici la fin de l’année 2019, l’un sur la violence sexuelle dans la région du Zambèze et l’autre sur les expériences des femmes lesbiennes.
Cette vaste collection d’histoires et de données constitue la base de leur engagement auprès des responsables locaux — les dirigeants traditionnels, les gouverneurs régionaux et le gouvernement local — qu’ils encouragent à faire davantage pour protéger et autonomiser les jeunes femmes.
« Nous frappons à différentes portes de ministères et les invitons à s’assoir avec nous, et nous disons, regardez, nous avons fait nos recherches. Les faits sont là. Alors, que pouvons-nous changer?
D’après Irene, l’objectif est de « rendre visibles les réalités auxquelles les femmes sont confrontées ».
Bien que la Namibie soit un pays à revenu intermédiaire supérieur et ait fait d’énormes progrès pour réduire la pauvreté et accroître l’accès des filles à l’éducation, les femmes, en particulier dans les zones rurales, continuent d’être marginalisées. Selon le FNUAP : « 44 % des ménages dirigés par des femmes et 32 % des femmes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les femmes, en particulier les filles, sont souvent forcées de trouver d’autres moyens de gagner leur vie, ce qui les rend vulnérables aux abus et à l’exploitation sexuels, à la violence basée sur le genre, aux mariages précoces des enfants (7 % à l’échelle nationale), au VIH et aux grossesses non planifiées. [3]
